TROUBLES MUSCULO-SQUELETTIQUES : AGIR AVANT D'ÊTRE CONCERNÉ
LA TRAITE EST LA PRINCIPALE RESPONSABLE DES TROUBLES MUSCULO-SQUELETTIQUES DES ÉLEVEUSES ET ÉLEVEURS. EN CAUSE, LES ÉQUIPEMENTS QUI NE SONT PAS CONÇUS POUR PRÉVENIR CE RISQUE.
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QUI NE SE PLAINT PAS OU N'A PAS ENTENDU une ou un collègue se plaindre de douleurs dans le poignet, l'épaule ou le dos ? Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont la première cause de maladies professionnelles reconnues par la MSA pour les non-salariés agricoles (chefs d'exploitation et autres statuts tels que conjoints collaborateurs). On imagine le phénomène bien plus large, les agriculteurs n'étant pas enclins à engager facilement une démarche vers la MSA. Selon le bilan national de cette dernière, ils représentent en moyenne 86 % des maladies professionnelles sur la période 2007-2011. L'année 2011 comptabilise 1 700 cas dont 1 600 pour les chefs d'exploitation toutes activités agricoles confondues (+ 33 % par rapport à 2007).
MOINS DE SOLLICITATIONS PHYSIQUES AVEC UNE SALLE DE TRAITE ADAPTÉE
Les éleveurs laitiers sont les plus touchés : près de 400 TMS par an, avec et sans arrêts de travail. « C'est logique : ils représentent la population agricole la plus importante », commente Patricia Lemière, conseillère en prévention des risques professionnels de la MSA de Mayenne-Orne-Sarthe. « En nombre de TMS pour 1 000 chefs d'exploitation, ils arrivent en deuxième position (4 ) derrière le secteur avicole (8 ). » Les articulations des membres supérieurs rassemblent 84 % des TMS. Le poignet avec les affections du canal carpien est largement en tête. Les tendinopathies de l'épaule suivent. Le coude (épicondylite) et la colonne vertébrale (lombalgies) occupent la troisième place avec 13 à 14 %. « Les TMS sont des pathologies qui affectent les tendons et ligaments, les nerfs et muscles, confirme Marc Mouton, médecin du travail de la MSA Mayenne-Orne-Sarthe. La répétition du geste, le mouvement ample et le recours à la force sont des facteurs créateurs du trouble. Ils provoquent une inflammation qui perdure. »
LES AIDES AGEFIPH POUR RÉALISER DES AMÉNAGEMENTS
Il n'est donc pas étonnant que dans ces trois départements laitiers, les gestes de traite soient au premier rang des causes de TMS. Lever le bras, tourner le poignet pour renverser la griffe ou essorer les lavettes, presser le gobelet de trempage des trayons, faire une torsion du buste pour « brancher » les vaches, forcer pour ouvrir et fermer les portillons, ramasser la griffe, porter les seaux de lait aux veaux, etc. La liste de ces gestes qui paraissent anodins est longue. « Dès les premiers fourmillements, la nuit, au niveau de l'index, du majeur et de l'annulaire, dès l'apparition d'une douleur au niveau de l'épaule ou dans le bas du dos, etc., il faut réagir pour que la pathologie ne s'installe pas. »
Pour Patricia Lemière, cela veut dire analyser son poste de travail et apporter les améliorations nécessaires. « L'idéal est d'aménager ou de concevoir sa salle de traite dès le début de sa carrière ou lors du changement d'équipement de traite pour diminuer les sollicitations physiques. » Toutefois, les facteurs biomécaniques n'expliquent pas à eux seuls le déclenchement de TMS. La surcharge de travail, le stress (entente avec les associés, conjoncture économique, etc.), la résistance plus ou moins grande de la personne sont autant de facteurs qui jouent aussi.
Élisabeth, éleveuse dans la Sarthe, regrette de ne pas avoir aménagé plus tôt son poste de travail. À 59 ans, elle souffre d'une épaule, a les doigts ankylosés, ce qui la réveille la nuit « sans que cela soit douloureux », et a mal dans le bas du dos « depuis vingt ans ». Salariée de l'exploitation depuis l'installation de son fils, il y a plusieurs années, c'est à l'occasion d'une visite médicale que le médecin du travail l'a poussée à améliorer ses conditions de traite et de soins aux veaux.
Sur sa recommandation, un dossier Agefiph(1) de demande d'aides est constitué. Elles subventionnent les investissements liés à la compensation du handicap. Ceux liés à la modernisation de l'exploitation ne sont pas pris en compte.
PENSER À SIMPLIFIER LES SOINS AUX VEAUX
Dans ce dossier, Patricia Lemière y a proposé une série d'aménagements: une traite arrière en épi 50° avec quais en sinus (voir photo 2), des griffes de 1,7 kg plutôt que celles de 3 kg utilisées jusque-là, le déclenchement automatique de la traite au soulèvement de la griffe, le remplacement de l'ouverture-fermeture manuelle des portillons par un système pneumatique à commande électrique, installée sous la rive du quai, ou encore l'achat d'un pot à lait mobile chauffant. Celui-ci n'est pas encore fait. Mais dans le cadre de la réorganisation de la salle de traite et de la laiterie, l'éleveuse et son fils ont installé cette dernière juste à côté de la nursery, ce qui limite les déplacements avec les seaux. Élisabeth distribue aussi les concentrés des vaches aux seaux. Pour éviter les déplacements, les cellules de stockage ont été installées sous la stabulation. Par un système de vis de reprise avec peson, l'aliment est directement versé dans un bac surélevé. « Les aides Agefiph ont financé 10 455 € sur les 34 850 € de travaux réalisés pour me soulager. Ces aides sont méconnues, insiste Élisabeth. Sans le médecin du travail, je n'aurais pas entrepris cette démarche. »
« Cette réticence est fréquente. Nous profitons donc des visites dans les exploitations sur d'autres thèmes pour interroger les éleveurs sur ce sujet. Nous détectons ainsi des problèmes de santé liés au travail », souligne Patricia Lemière.
Il ne faut pas hésiter à contacter le médecin conseil de la MSA (agriculteurs) ou le médecin du travail (salariés). Il orientera vers un travailleur social qui informera des possibilités de maintien en emploi, d'aménagements de postes, voire d'une reconversion en lien avec des organismes partenaires.
CLAIRE HUE
(1) Association de gestion des fonds pour l'insertion des personnes handicapées.
Un quai à sa taille et sans torsion lombaire 1. Une amplitude élevée de l'épaule sollicite trop les muscles et ligaments. C'est le cas avec un quai haut qui oblige à lever le bras, avec un risque de tendinites. Un quai bas oblige à se baisser et engendre des lombalgies. Il faut adapter la hauteur du quai pour que les trayons se situent juste au-dessus du niveau du coeur, sans contrainte visuelle (barre de fesse, éclairage). On peut rehausser la fosse d'une couche de 2 à 3 cm de béton ou avec des dalles de caoutchouc. Si l'exploitation compte plusieurs trayeurs, installer un fond de fosse amovible (coût de 10 000 à 12 000 €). L'abaisser en la creusant est envisageable si les canalisations ne sont pas en dessous. Sinon, il faut rehausser le quai... et l'équipement de traite. PHOTOS © CLAUDIUS THIRIET (CI-DESSUS) ET CLAIRE HUE
Un quai à sa taille et sans torsion lombaire 2. Être bien face à la mamelle évite les torsions lombaires à chaque intervention sur la mamelle. La traite en épi 30° ou 50° a cet inconvénient, à moins de positionner les quais en sinus. Cela rapproche le trayeur des trayons éloignés et donc diminue la torsion du dos. La traite par l'arrière évite ce problème mais la mamelle est moins visible, ce qui fait adopter des positions contraignantes.
Une mamelle accessible L'objectif est de rapprocher le plus possible le trayeur des trayons. Rabattre le plateau de lavage des faisceaux trayeurs y contribue. Cela évite de se pencher vers l'avant.
La pointe des pieds vers le bas Il suffit d'organiser l'écoulement de l'eau le long de chaque quai. La pente qui part du centre de la fosse place naturellement le trayeur dans cette position. Si la rigole était positionnée au centre, l'aplomb du trayeur serait sur ses talons avec une trop grande sollicitation du tendon d'Achille.
Pré et post-trempage : 400 pressions par traite pour 50 vaches C'est ce que vit le trayeur avec les gobelets de trempage. Ces pressions répétées sollicitent le poignet et la main. Les pré et post-trempage semi-automatisés simplifient la tâche. Un compresseur envoie de l'air et fait monter le produit dans le gobelet pour les quatre trayons. Sinon, penser à renouveler le gobelet pour garder le plastique souple et, en post-trempage, avoir un gobelet suffisamment haut pour qu'une pression suffise pour tous les trayons.
Ne pas se baisser Cela signifie installer les seaux de lavettes individuelles en hauteur via une servante sur rail ou roulettes. Les laver ensuite en machine pour éviter l'essorage manuel (rotation du poignet). Autre suggestion : poser le gobelet de trempage sur un support, par exemple sur la servante ou sous la rive du quai en l'accrochant à un morceau de tuyau fixé au mur. Ou encore poser le plateau de lavage de la griffe à l'aplomb du quai, régler la machine à traire pour qu'à la fin de la traite, les griffes descendent une à une et non toutes ensemble. Sinon, cela oblige à se baisser pour les reprendre et les poser sur le plateau.
Des commandes sans lever le bras Boîtiers de commandes pour les portillons, compteurs à lait, décrochage automatique... : la tendance est de les poser au-dessus de la tête pour ne pas gêner la visibilité. Le trayeur doit lever le bras, ce qui mobilise l'articulation de l'épaule. Pensez à installer des commandes à hauteur du coeur ou sous la rive du quai.
Un lavage plus en douceur des quais Le maintien de la gâchette du système de lavage sous haute pression oblige à une action prolongée des doigts, et mobilise les muscles des bras et des épaules. Le recours à un surpresseur supprime le maintien de la gâchette. Il faut seulement ouvrir et fermer le jet. L'effort est plus doux. Un enrouleur pourra ramener automatiquement le tuyau à la fin du nettoyage.
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